- dans la rue -
manifestations, marches, revendications:les semelles sur le pavé et les panneaux brandis à bout de bras
Centre Georges Pompidou, Paris, April 8th 2018
Trois questions à Pascal Hanrion, le photo-reporter français, après s’être accroché à la façade du Centre National des Arts et des Cultures Georges Pompidou, le centre le plus célèbre à Paris, afin de dénoncer l’attaque chimique qui a eu lieu la nuit du samedi 7 avril 2018 par le régime syrien sur la ville de Douma
1-Vous vous êtes mis en danger pour protester contre le crime et pour envoyer des messages de solidarité aux victimes syriennes. Et en particulier pour exhorter les médias français à sortir du leurs silence, cela a-t- il eu un effet?
Pascal Hanrion : Oui, j’ai accepté de mettre ma vie en danger pour soutenir les enfants syriens car leur bombardement aux gaz chimiques est aussi une honte pour moi, simple homme occidental et père de deux enfants, Ines et Francesco. Cela fait des mois et des mois que j’ai honte de la Communauté internationale qui est tétanisée par ses propres peurs, ses calculs cyniques, ses pseudo stratégies géopolitiques.
J’ai découvert les photos des enfants gazés de Douma ce samedi 7 avril dans la nuit : il m’a pris une rage incontrôlable car se sont les mêmes images que celles des enfants gazés de Kahn Cheikhoum, l’année dernière, et Ghouta en 2013. Alors, J’ai passé la nuit à me préparer et à choisir le lieu : il fallait que je fasse quelque chose pour crier ma révolte. Les médias français ne sont pas venus: pourtant je suis resté 4 heures accroché, lutant d’abord contre les pompiers puis un corps d’élite de la police française qui ont essayé de me faire descendre. J’ai attendu très longtemps, en donnant aussi mon numéro de téléphone pour qu’ils m’appellent. Aucun n’a appelé. Je ne juge pas, cela ne m’intéresse pas de chercher à comprendre pourquoi ils n’ont pas été intéressés. Le plus important pour moi fut de lancer mon message au peuple syrien « malgré le bombardement odieux de vos enfants, vous n’êtes pas oubliés, en tout cas pas par un simple citoyen. »
2- La lute pour les victimes du régime syrien n’est pas nouvelle pour vous. Vous êtes à la tête de l’initiative “Courir pour les enfants de Syrie avec les Casques Blancs”. Selon vous, en tant que Français, quelle serait la raison de l’indifférence de l’opinion publique française envers le peuple syrien?
Pascal Hanrion : si vous parlez de ses habitants, le peuple français n’est pas indifférent à la situation du peuple syrien, surtout de ses enfants. Beaucoup de connaissances autour de moi sont sincèrement tristes de voir le martyr que vous endurez et horrifiées par le gazage de vos enfants. Mais ils disent toujours : nous nous sentons impuissants, comment pouvons-nous aider ?
En réponse aux white helmets qui m’ont crié leur désespoir d’avoir le sentiment d’être oubliés du monde, c’est le sentiment de frustration de beaucoup de français à ne pas savoir comment agir pour vous aider qui fut une des raisons pour lesquelles j’ai créé le programme de portraits-messages « you are not forgotten » : pour permettre à toutes les bonnes volontés qui le souhaiteraient, d’envoyer un message de soutien dans votre pays, y compris dans les zones de blocus où même les convois alimentaires ne peuvent pas passer. Beaucoup des gens qui ont accepté de poser pour la galerie ont été très émus de tenir le casque entre leurs mains et d’imaginer que leur message allait parvenir jusqu’au cœur de la Syrie martyrisée.
3-A votre avis, comment l’art, la culture et l’action civile pourraient-ils changer quelque chose dans la réalité politique aussi tragique et désastreuse que celle de la Syrie?
Pascal Hanrion : je ne suis pas naïf: cela ne va pas changer la vie au jour le jour des enfants syriens, ni arrêter la guerre, ni permettre aux convois humanitaires d’entrer dans les zones de blocus, ni d’arrêter les bombardements. je ne suis pas un analyste politique ni un specialiste du Moyen-Orient, mais ce que je sais c'est que il est plus facile de diriger un peuple lorsqu'il est soumis à une situation dans laquelle il ne peut pas préserver ses racines culturelles. Je me souviens d'un commentaire d'un général russe au moment de l'ivasion de l'Afghanistan: "donne-moi un an pour leur prendre leur culture et il ne me faudra pas plus de six mois pour prendre leur pays". M’accrocher au toit du Centre Beaubourg fut un choix délibéré car il représente pour moi un des plus beaux symboles de la démocratie, c’est à dire un lieu d’art et de culture accessible à toutes et à tous, où chacun peut venir y puiser une multitude d’idées différentes et souvent contradictoires. C’est pourquoi j’ai choisi d’escalader ce monument, pour lancer au peuple syrien mon message depuis ce lieu si symbolique de liberté. Utiliser symboliquement les arts à travers mon action est aussi pour moi un moyen de lancer des étincelles vers le peuple syrien pour permettre un éclairage tout aussi symbolique sur sa propre culture, que le régime tente d'anéantir depuis 7 ans. Pour moi, dans le happening de dimanche, tout comme avec la galerie de portraits « You are not forgotten », les arts et la culture ouverts à tous participent à la symbolique de mes messages d’espoir et de soutien : ils sont toujours optimistes, tournés vers un avenir que je souhaite meilleur. J’ai fait depuis longtemps mienne une doctrine d’un des personnages du roman « Alaska » de James Michener : « je suis animé par le désir de faire de ce monde un espace plus ordonné. » Mes messages ne peuvent pas être arrêtés par quelconque force guerrière car ils sont immatériels : ils passent toutes les barrières, tous les check points, aucune balle ni aucune bombe ne peuvent les arrêter, ni même les gaz toxiques ; ils peuvent être lus dans les zones de bombardements sur un simple téléphone mobile. Beaucoup de gens syriens qui les ont reçus m’envoient des messages de sympathie en retour, me disant : « nous sommes asphyxiés mais chaque portrait que nous recevons est comme une bouffée d’oxygène. » Ceci est la force de ce que je fais et elle ne coûte rien, ou si peu : il me suffit de créer des espaces et de prendre un peu de temps pour qu’ils existent puis qu’ils filent vers le peuple syrien. Et puis, le simple fait de savoir que je peux aider des enfants syriens, voire même d’en sauver indirectement (ne serait-ce qu’un seul) décuple mon énergie et ma détermination.
Traduction en anglais
Three questions to the French photo-journalist Pascal Hanrion, after suspending himself on the facade of the Georges Pompidou National Center for Arts and Cultures in Paris, to condemn the chemical attack executed by the Syrian regime on the night of Saturday 7 April 2018, in the city of Douma.
1- You risked your life to protest the crime that was committed and to send a message of solidarity to the Syrian victims, and more specifically, to push the French media out of their silence. Did your effort have any results?
Yes, I accepted to risk my life in order to support the Syrian children because their chemical gas attack is also shameful for me; a simple western man and a father of two, Ines and Francesco. For months and months I have been ashamed of the International Community that is paralyzed by its own fears, its cynical calculations, and its geopolitical pseudo-strategies.
I discovered the photos of the gassed children of Douma this Saturday, April 7 at night: an uncontrollable rage took over me because these are the same images as those of the children who were gassed in Khan Shaykhun last year and in Ghouta in 2013. I spent the night preparing myself and choosing the location; I had to do something to voice my revolt. The French media did not show up, and yet I remained suspended during 4 hours, struggling against the firefighters at first and then against an elite body of the French police who tried to bring me down. I waited a very long time, also giving them my phone number so that they can call me, but no one called. I will not judge them as it does not interest me to try to understand why they were not concerned. The most important thing for me was to send my message to the Syrian people: “Despite the hateful bombardment of your children, you are not forgotten, at least not by a simple citizen.”
2- Fighting for the victims of the Syrian regime is not new to you. You are leading the initiative "Running for the children of Syria with the White Helmets". In your opinion as a French citizen, what could be the reason behind the indifference of French public opinion towards the Syrian people?
If you are talking about the residents, the French people are not indifferent towards the situation of the Syrian people, especially the children. Many people around me are sincerely sad to see the massacres you are enduring and horrified by the gassing of your children. But they always say: we feel helpless, how can we help?
In response to the White Helmets, who expressed to me their desperation and their feeling of being forgotten by the world, the frustration of many French people who did not know how to act to help was one of the reasons why I created the portraits-messages program: “You are not forgotten”. The program allowed all the good-willed people to send messages of support to your country, including the besieged areas where even the food convoys were not allowed to enter. Many of the people who agreed to pose for the gallery were very moved to hold the helmet in their hands and imagine that their message was going to reach the heart of the martyred Syria.
3- In your opinion, how can art, culture and civil action make a change in a political reality as tragic and disastrous as that of Syria?
I am not naïve; this will not change the day-to-day life of the Syrian children, stop the war, allow humanitarian convoys to enter the blockade areas, or stop the shelling. I am not a political analyst or a specialist in the Middle East, but what I do know is that it is easier to lead a people when they are subjected to a situation in which they cannot preserve their cultural roots. I remember a comment made by a Russian general at the time of the invasion of Afghanistan: "Give me a year to take away their culture and it will not take me more than six months to take their country".
Suspending myself to the roof of the Beaubourg Center was a deliberate choice because it represents for me one of the most beautiful symbols of democracy; it is a place of art and culture accessible to all, where anyone can come to draw a multitude of different and often contradictory ideas. That's why I chose to climb this monument, to send my message to the Syrian people from this place that symbolizes freedom. Using the arts symbolically through my action is also a way for me to send sparks to the Syrian people in order to shed an equally symbolic light on their own culture, which the regime has been to extinguish for 7 years.
For me, during Sunday’s event, as with the portrait gallery "You are not forgotten", arts and culture that are open to all took part in the symbolism of my messages of hope and support; they are always optimistic, turned towards a future that I wish will be better. For a long time, I have adopted a doctrine of one of the characters in James Michener's novel, Alaska: “I am driven by the desire to make this world a more orderly space.”
My messages cannot be stopped by any warlike force because they are not material; they pass through all the barriers, all the check points, no bullet nor bomb can stop them, not even the toxic gases, and they can be read in bombing areas on a simple mobile phone.
Many Syrian people who received them have sent me messages of sympathy in return, saying: “We are suffocating but each portrait we receive is like a breath of fresh air.”
This is the power of what I do and it costs nothing, or so little. It is enough for me to create spaces and to take a little time to make them exist and then reach the Syrian people. Just me knowing that I can help Syrian children, or even indirectly save them (even if only one), increases my energy and my determination.
Traduction en arabe
ثلاثة أسئلة إلى باسكال هانريون، المصور الصحفي الفرنسي، بعد أن "علق نفسه" على جدار مركز جورج بومبيدو للثقافة والفنون، المركز العام والأشهر في باريس، احتجاجاً على الضربة الكيماوية التي ارتكبها النظام السوري ليلة السبت ٧ نيسان ٢٠١٨ على مدينة دوما في ريف دمشق - 12/04/2018
-
لقد عرّضتَ نفسك للخطر من أجل الاحتجاج على الإجرام، وإرسال رسائل تضامن مع السوريين الضحايا ولكن بشكل خاص لحض الإعلام الفرنسي على الخروج عن صمته، فهل كان لذلك أي تأثير؟
نعم، لقد قبلت أن أضع حياتي في خطر من أجل دعم الأطفال السوريين. ضربهم بالغاز الكيماوي هو عار بالنسبة لي، أنا الإنسان الغربي عادي والأب لطفلين، إيناس وفرانشيسكو. منذ أشهر طويلة وأنا أشعر بالعار من المجتمع الدولي، المشلول بسبب مخاوفه الخاصة وحساباته التي تدعو الى السخرية، واستراتيجياته الجيوسياسية الزائفة.
عندما رأيت صور أطفال دوما المصابين بالغاز هذا السبت، في 7 أبريل ليلاً تملكني غضب عارم صعبت السيطرة عليه! إنها نفس الصور التي أتتنا منذ عام من خان شيخون عن أطفال مختنقين بالغازات، وهي نفسها تلك الصور التي أتتنا من الغوطة في عام 2013.
قضيت الليل في التحضير لاختيار المكان، كان عليّ أن أفعل شيئاً يعبر عن ثورة غضبي. لم تأت وسائل الإعلام الفرنسية رغم أنني بقيت لمدة 4 ساعات معلقاً، مقاوماً في البداية رجال الإطفاء ومن ثم عناصر نخبة من الشرطة الفرنسية الذين حاولوا إنزالي. انتظرت وقتًا طويلاً جدًا، وأعطيت رقم هاتفي لمن يود الاتصال بي من الوسائل الإعلامية، إلا أن أحداً لم يتحرك. لست لأحكم على أحد، ولا يعنيني محاولة فهم لماذا لم تكن وسائل الاعلام مهتمة. الأهم بالنسبة لي هو إرسال رسالتي هذه إلى الشعب السوري: "على الرغم من القصف البغيض لأطفالكم، فأنتم لستم منسيين، على الأقل ليس من قبل مواطن عادي".
-
النضال لأجل ضحايا النظام السوري ليس جديداً عليك، فأنت صاحب مبادرة "الركض من أجل أطفال سوريا مع الخوذ البيضاء". كفرنسي، برأيك، ما مردّ هذا الضعف بالتضامن مع الشعب السوري من قبل الرأي العام الفرنسي؟
إن كنتم تتحدثون عن الشعب الفرنسي، فإنه ليس غير مبالٍ بوضع الشعب السوري، لا سيما عندما يتعلق الأمر بالأطفال. العديد من الناس من حولي حزينين جداً لشهدائكم ومرعوبين لرؤية الأطفال ضحايا الغاز. لكنهم يقولون دائما: نشعر بالعجز، كيف يمكننا أن نساعد؟
أما بالنسبة للتجاوب مع صرخة اليأس التي وصلتني من أصحاب الخوذ البيضاء بسبب إحساسهم بأن العالم قد نسيكم، فقد كان إحباط العديد من الفرنسيين الذين لم يعرفوا كيف يتصرفون لمساعدتكم هو الدافع وراء إنشائي مبادرة صور-رسائل "لستم منسيين"، للسماح لكل أصحاب النوايا الطيبة بالتعبير عن ذلك عن طريق إرسال رسالة دعم إلى بلدكم، بما في ذلك مناطق الحصار حيث يمنع أن يمر أي شيء بما فيها قوافل الطعام. كثير من الناس الذين وافقوا على المشاركة في هذه المبادرة كانوا متأثرين جداً وهم يحملون الخوذة في أيديهم مطلقين رسائل الدعم وواثقين أن رسائلهم سوف تصل إلى قلب سوريا الشهيدة.
-
كيف يمكن للفن والثقافة والفعل المدني أن يغير بشيء من واقع سياسي كارثي ومأساوي كالواقع السوري برأيك؟
لست ساذجا حتى أعتبر أن ما أقوم به سوف يغير الحياة اليومية المرعبة للأطفال السوريين، أو يوقف الحرب، أو يسمح للقوافل الإنسانية بالدخول إلى مناطق الحصار، أو يوقف القصف. ولست محللاً سياسياً أو مختصا في الشرق الأوسط، لكن ما أعرفه هو أنه من الأسهل أن تحكم الناس وهم في وضع لا يمكنهم فيه الحفاظ على جذورهم الثقافية. ويحضرني دائماً هذا التعليق لجنرال روسي أثناء غزو أفغانستان: "أعطني سنة لآخذ ثقافتهم ولن يستغرق مني أكثر من ستة أشهر لآخذ بلادهم".
"تعليق نفسي" على جدار مركز جورج بومبيدو كان اختيارًا متعمدًا لأن المكان يمثل بالنسبة لي أحد أجمل رموز الديمقراطية. مكان للفن والثقافة متاح للجميع، حيث يمكن للجميع استخلاص الأفكار المختلفة والمتناقضة في كثير من الأحيان. لهذا اخترت صعود هذا النصب وأرسال رسالتي إلى الشعب السوري من هذا المكان الرمزي للحرية.
رمزية استخدام الفن بكل ما أقوم به هو الإضاءة أيضا على ثقافة هذا الشعب التي حاول النظام إبادتها منذ 7 سنوات.
بالنسبة لي، ما أود إيصاله في يوم الأحد هذا، ومثله في مبادرة "لستم منسيين"، هو أن الفن والثقافة المفتوحة للجميع، تشارك الجميع رمزياً في رسائل الأمل والدعم والحلم بغد أفضل.
لطالما سكنتني مقولةُ واحدةٌ من شخصيات رواية جيمس ميشنر "ألاسكا": "أنا مدفوع بالرغبة في جعل هذا العالم أكثر انتظاماً". لا يمكن أن توقف رسائلي أي قوة حرب لأنها لا مادية، عابرة لجميع الحواجز ونقاط التفتيش. لا يمكن لأي رصاصة أو أي قنبلة أن توقفها، ولا حتى الغاز السام. تصل للجميع حتى في أعنف مناطق القصف عن طريق الهاتف المحمول بكل بساطة. والعديد من السوريين الذين وصلتهم رسائلي أرسلوا لي بالمقابل تعاطفهم، قائلين: "صحيح أننا مختنقون لكن كل صورة ورسالة نتلقاها هي بمثابة نسمة هواء نقي."
هذه هي القوة فيما أقوم به، وهو لا يكلف شيئًا أو قليلاً جدًا. يكفي أن أخلق المساحة وأضع من وقتي لإبداع هذه الرسائل لتجد طريقها إلى الشعب السوري. وأخيراً، فإن مجرد معرفتي أنني أستطيع مساعدة الأطفال السوريين، أو إنقاذهم بطريقة ما، حتى لو كان واحدًا فقط، يزيد من طاقتي وعزمي.
from "THE CREATIVE MEMORY OF THE SYRIAN REVOLUTION"